Ne le dis à personne

Un film de Guillaume Canet, ave François Cluzet, Marie-Josée Croze, André Dussollier, Kristin Scott Thomas, France, 2006, 125 minutes.


Imaginez que huit ans après la mort de votre femme, un courriel vous la montrait, bien vivante, au milieu d’une foule et que ce message soit accompagné d’un avertissement aussi intriguant qu’inquiétant: «  Ne le dis à personne  ». Comment réagiriez-vous? Guillaume Canet, mieux connu pour ses apparitions devant la caméra (Vidocq, Joyeux Noël) que derrière celle-ci, se base sur le roman de Harlan Coben pour répondre à cette question. Il place donc François Cluzet (L’adversaire, Fin août début septembre) dans la peau de Alexandre Beck, un pédiatre confronté à cette étonnante situation.

Aussitôt, Alexandre se questionne sur les circonstances de la mort de son épouse Margot (Marie-Josée Croze). Comme une scène tirée d’un film d’horreur poche à la Friday the Thirteen, sa femme a perdu la vie aux mains d’un tueur en série alors que le couple se baignait nu, la nuit, dans un lac au milieu de la forêt. Assommé par l’assaillant, Alexandre est tombé dans le lac mais a été retrouvé, miraculeusement, sur la berge le jour suivant. Plusieurs autres détails clochent dans cette affaire. D’abord, le supposé meurtrier, présentement emprisonné, n’a jamais avoué le crime. Ensuite, les vieux cadavres de deux malfrats viennent à peine d’être déterrés aux abords du lac. Enfin, en plus des policiers qui le suspectent un peu par défaut, d’étranges personnages épient les faits et gestes d’Alexandre. Le pédiatre se transformera en détective pour éclaircir le mystère et peut-être retrouver la femme qu’il a jadis aimé.

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L’intérêt du film réside dans l’importance qu’accorde le réalisateur aux émotions ressenties par son héros. Ne le dis à personne est à la fois un thriller et un drame. Alexandre passe véritablement par toute la gamme des émotions lorsqu’il apprend que sa femme n’est probablement pas décédée. Il se remémore la tristesse éprouvée lors de son enterrement puis ressent de l’espoir en revoyant son visage sur Internet, de la frayeur en lisant la mention «  Ne le dis à personne  », de l’impatience en attendant d’autres messages de sa mystérieuse correspondante, de la colère lorsqu’on l’accuse d’avoir tué sa femme, de la témérité quand il doit échapper aux forces de l’ordre, de la reconnaissance quand un bandit l’aide dans sa quête et de la frustration lorsqu’il comprend enfin toute l’histoire. Cluzet démontre le registre de son jeu en rendant avec justesse toutes les émotions demandées par le scénario rocambolesque.

La tête d’affiche est appuyée par une distribution qui sort de l’ordinaire. Marie-Josée Croze sait jouer les femmes troublées avec facilité. On dirait qu’il s’agit d’une seconde nature pour elle… Dans des rôles importants mais qui ne demandent pas une longue présence à l’écran, on retrouve André Dussollier, Jean Rochefort, Nathalie Baye, Kristin Scott Thomas et Jalil Lespert. La plupart des réalisateurs seraient ravis de pouvoir compter sur un seul de ces cinq as.

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Guillaume Canet ne compte pas seulement beaucoup d’amis, il possède aussi beaucoup de talent. Rares sont les réalisateurs qui parviennent à tourner avec le même aplomb des scènes d’action et des scènes dramatiques. Cette assurance est d’autant plus étonnante puisqu’il s’agit seulement de son deuxième long métrage, et que le premier, Mon Idole, ne laissait pas vraiment présager une telle maîtrise du médium.

Son film souffre quand même de certaines faiblesses. Disons seulement que les nombreuses morts suspectes qui sont survenues en très peu de temps auraient dû aiguiller le bon sur l’identité du méchant. De plus, les enquêteurs de la police sont exponentiellement stupides et manquent atrocement de tact. Ils accusent un innocent en se basant que sur des preuves circonstancielles. Après réflexion, ce point demeure plutôt vraisemblable. Un autre problème, plus sérieux, réside dans le fait que Alexandre et Margot devraient être à peu près du même âge. Or, François Cluzet est de 15 ans l’aînée de Marie-Josée Croze et franchement, ça paraît.

Toujours est-il que Ne le dis à personne mérite pleinement les honneurs remportés lors de la dernière cérémonie des Césars (meilleur acteur: François Cluzet, meilleur réalisateur: Guillaume Canet, meilleur montage: Hervé de Luze, meilleure musique de film : -M-). Vous n’avez pas besoin d’être un fan de thriller, de drame ou de genres particuliers pour apprécier ce film. Pas plus qu’il ne faut être cinéphile ou Français.