Paris je t’aime

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Ambitieux programme de courts métrages, Paris je t’aime permet à de très talentueux et très différents réalisateurs d’employer la ville lumière comme théâtre de brèves histoires d’amour.


Comme c’est le cas pour tous les programmes de courts métrages, qu’ils soient professionnels ou amateurs, l’ensemble s’avère inégal. Certains vous impressionneront, d’autres vous laisseront de glace. Si quelques-uns des grands réalisateurs ayant œuvrés sur ce projet semblent avoir perdu la main pour raconter des histoires complètes dans un court laps de temps, les films de Gus Van Sant, Alfonso Cuaron et Gérard Depardieu, entre autres, font davantage penser à des scènes tirées de plus longs films qu’à des courts métrages en soi, d’autres, comme Alexander Payne, les frères Cohen ou Sylvain Chomet, parviennent à construire des intrigues cohérentes et amusantes tout en rendant hommage à Paris.

Liés entre eux par des plans digne de cartes postales, voici les films composant Paris je t’aime.

Montmartre, de Bruno Podalydès

Un parisien cherche désespérément un stationnement et l’amour dans les rues de Montmartre.

Bruno Podalydès ébauche un personnage typiquement parisien. L’automobiliste qu’il interprète insulte les autres conducteurs dans un langage aux couleurs locales et accroche les autres voitures en stationnant la sienne.

Son personnage se transforme ensuite en prince charmant. Alors qu’il monologue son désarroi quant à son célibat, une femme (Florance Muler) tombe soudainement inconsciente près de sa voiture. Il prendra soin d’elle de façon galante et elle l’appréciera grandement.

Sorte de transposition de la Belle au bois dormant dans un contexte réaliste et urbain, ce simple court métrage impressionne davantage pour l’authenticité de son regard sur les habitudes parisiennes que pour son intrigue banale.

Quais de Seine, de Gurinder Chadah

Un garçon en apprend sur les femmes et sur la culture musulmane.

Trois jeunes amis admirent et interpellent les belles demoiselles qui marchent le long de la Seine. L’un d’eux, plus respectueux, entame une discussion avec une jeune et jolie musulmane qui se rend vers la mosquée.

Gurinder Chadah cherche à montrer les vertus de l’ouverture d’esprit à travers la rencontre entre un français «  de souche  » et une française d’origine maghrébine. Par contre, les préceptes de Chadah sont forcés dans un dialogue maladroit entre les deux protagonistes.

Au moins, le cœur du réalisateur est à la bonne place.

Le marais, de Gus Van Sant

Dans un atelier de peinture, un client s’éprend d’un employé peu bavard.

Le marais déçoit malgré son dialogue d’une qualité indéniable et le jeu impeccable de Gaspard Uliell et Elias McConnell, brillamment dirigés par Gus Van Sant. Comme scène tirée d’une oeuvre plus complète, elle serait réussie, comme oeuvre à part entière, elle laisse à désirer.

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Tuileries, des frères Cohen

Un touriste américain apprend à la dure qu’il ne faut pas fixer dans les yeux les utilisateurs du métro parisien.

Steve Buscemi, un habitué des films des frères Cohen, prête son drôle d’air à une drôle d’histoire. L’imagination débridée, l’humour noir et la violence propre aux scénaristes et réalisateurs de Fargo et Barton Fink sont davantage aux rendez-vous dans les quelques minutes que durent ce court métrage que dans l’entièreté de Intelorable Cruelty.

Ça annonce bien pour No Country for Old Men.

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Loin du seizième, de Walter Salles et Daniela Thomas

Une jeune latina dépose son bébé à la garderie et entreprend un long voyage en transport en commun vers son lieu de travail.

Loin du seizième réussit là où Quais de Scène échoue. Brillant exemple d’une idée simple efficacement réalisée, le film de Walter Salles et Daniela Thomas illustre et critique habilement l’écart entre les classes sociales de la métropole.

La fin, quoique prévisible, demeure juste et adéquate.

Porte de Choisy, de Christopher Doyle

Un représentant de produit de beauté fait affaires avec une coiffeuse asiatique excentrique.

Ce délire visuel surréaliste tourné par le directeur photo Christopher Doyle (Hero, In the Mood For Love) se démarque par sa qualité graphique mais agace par son refus catégorique de raconter une histoire compréhensible.

Un très joli n’importe quoi.

Bastille, de Isabel Coixet

Un mari refuse d’abandonner sa femme atteinte d’un cancer en phase terminale.

Narré par le mari, l’histoire de Bastille présente un homme qui redécouvre son amour pour sa femme mourante en l’accompagnant lors de ses derniers jours.

À la fois drôle, touchant et bouleversant, le film de Coixet exploite à bon escient une narration en voix-off qui deviendrait désagréable dans un plus long métrage.

Place des victoires, de Noboshiro Suwa

Une femme pleure la mort de son enfant.

Juliette Binoche est guidée par un ange déguisé en cowboy (Willem Dafoe) dans l’autre monde où elle retrouve son fils décédé qui s’amuse comme un fou. Trouvera-t-elle la force de le laisser dans le royaume des morts?

Fort d’une prestation émouvante de Juliette Binoche et d’une utilisation inspirée du son et de l’image pour juxtaposer le monde des morts à celui des vivants, le film de Noboshiro Suwa déçoit malgré tout en raison de son intrigue exponentiellement mièvre (quétaine en Québécois).

La preuve, cet échange épouvantable:

– D’où tiens-tu cette force?

– De Dieu.

Tour Eiffel, de Sylvain Chomet

Qui se ressemblent s’assemblent.

Les mimes sont loin d’avoir la cote dans le monde d’aujourd’hui. Leurs facéties irritent le commun des mortels. Un jeune gamin explique comment son père mime a trouvé l’amour en prison.

Sylvain Chomet, le réalisateur des Triplettes de Belleville présente un film léger et amusant, basé sur le jeu physique de Paul Putner et un montage sonore réussi.

Une belle distraction.

Parc Monceau, de Alfonso Cuaron

Ils marchent et parlent sur le trottoir.

Nick Nolte et Ludivine Sagnier discutent en marchant dans une rue. Alfonso Cuaron a su exploiter de longs plans séquences dans Children of Men pour encourager l’immersion du spectateur et ajouter au suspense. Ici, le procédé est maladroitement exécuté. Le mauvais éclairage empêche d’observer les réactions des personnages, voire même d’identifier les acteurs qui les interprètent.

Le dialogue banal réserve quelques surprises, mais franchement qu’est-ce que ça change si Nick Nolte est l’amant, le mari ou le père de Ludivine Sagnier?

Quartier des enfants rouges, de Olivier Assayas

Une actrice américaine devient dépendante de son pusher.

En tournage en France, une actrice américaine, interprété par l’actrice américaine Maggie Gyllenhaal, fait affaire avec et tombe amoureuse d’un séduisant vendeur de haschisch (Lionel Dray). Le sentiment est-il réciproque? Après une soirée à faire la fête, elle téléphonera son fournisseur pour en avoir le coeur net.

Une Maggie n’en vaut pas nécessairement une autre. L’habituée de l’oeuvre de Assayas, Maggie Cheung, aurait été la bienvenue à la place de Gyllenhaal. Cette dernière n’arrive pas à énergiser le scénario un peu vague du réalisateur français. Il en résulte un court métrage un plutôt fade et sans intérêt.

Place des fêtes, de Oliver Schmitz

Une ambulancière soigne un sans-abris victime d’un coup de couteau.

Oliver Schmitz, un réalisateur sud-africain engagé, profite de sa tribune pour critiquer ouvertement la place des immigrants en France. En quelques plans, il illustre la déchéance d’un immigrant qui perd son boulot puis son logement avant de probablement perdre la vie. Par contre, le commentaire paraît forcé puisque le temps ne permet pas de bien exposer la problématique.

Mentionnons aussi, dans le rôle de l’infirmière, la présence remarquée de la ravissante Aïssa Maïga (Bamako, Les poupées russes).

Pigalle, de Richard Lagravenese

Dans le redlight parisien, un mari incite sa femme à participer à des jeux sexuels.

Bob Hopskins et Fanny Ardant forment un couple crédible au grand écran. Ils rendent leurs dialogues, bien écrits par le scénariste de The Ref et The Fisher King, avec aplomb. Ainsi, des échanges comme:

– What do you do out of love?

– I ache.

auraient pu irriter mais sonnent juste.

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Quartier de la Madeleine, de Vincent Nizelli

Un touriste canadien rencontre une séduisante vampire au détour d’une ruelle.

Essentiellement muet, ce court métrage impressionne dans sa forme mais déçoit dans son contenu. Visuellement, les couleurs surréalistes du sang et de la nuit parisienne frappent l’imagination. Ce style visuel près de la BD détonne avec le reste des films du programme.

Malgré la présence sympathique de Elijah Wood, l’intrigue sans surprise et le ton inégal (à la fois ni drôle ni effrayant) proposés par le réalisateur de Cube ennuient.

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Père-Lachaise, de Wes Craven

Devant la tombe d’Oscar Wilde, un couple fiancé découvre qu’ils ont peu en commun.

Davantage un hommage à l’homme de lettres qu’à la capitale française, ce brin de comédie de Wes «  A Nightmare on Elm Street  » Craven est aussi bon qu’un film avec Rufus «  Dark City  » Sewell peut l’être, c’est à dire plutôt moyen.

Fait à noter: Alexander Payne joue le fantôme d’Oscar Wilde. Il s’agit d’un honneur qui est loin d’être mérité malgré la qualité de son apport à ce programme.

Faubourg St-Denis, de Tom Tykwer

Un aveugle reçoit un appel troublant de sa dulcinée.

Dans un style visuel et sonore énergique semblable à son Cours Lola Cours, Tom Tykwer résume en moins de 10 minutes la relation amoureuse entre une apprentie actrice jouée par Nathalie Portman et un gentil aveugle campé par Melchior Belson.

La virtuosité du réalisateur allemand derrière les tables de montage provoquera une agréable accélération du pouls chez certains et une violente crise d’épilepsie chez d’autres.

La prestation de Nathalie Portman est à couper le souffle. On oublie presque qu’elle jouait dans Star Wars.

Quartier Latin, de Gérard Depardieu et Frédéric Auburtin

Un couple séparé se réunit pour parler de divorce.

Mince prétexte pour unir au grand écran deux icônes du septième art, le dialogue élégant et amusant entre Gena Rowlands et Ben Gazzara manque de substance pour soutenir l’ensemble d’une narration.

Comme c’était le cas pour Le Marais de Van Sant, la scène semble tirée d’un plus long et meilleur film.

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14ème arrondissement, de Alexander Payne

Une touriste typiquement américaine raconte son merveilleux voyage à Paris.

Sans vouloir rien enlever au travail fabuleux des frères Cohen, la partie imaginée par Alexander «  Sideways  » Payne s’avère peut-être la meilleure de Paris je t’aime. Au minimum, il s’agit de celle qui personnifie le mieux le fil conducteur de ces oeuvres.

Dans un français cassé appris en classe, une voyageuse américaine des plus ordinaire raconte son voyage à Paris. Véritable touriste, elle porte un ceinturon de voyage, cite davantage son guide de visite que ses expériences et critiquent la nourriture française en avalant un hamburger.

Si son ignorance amuse, la sincérité de ses sentiments émeut. Payne conclut de belle façon le programme. Tous les réalisateurs du collectif situent leurs histoires à Paris et traitent d’amour. Le dernier, avec justesse, aborde l’amour de Paris.