The Lost

Un film de Chris Sivertson basé sur un roman de Jack Ketchum avec Marc Senter, Michael Bowen et Ed Lauter, États-Unis, 2005.


Il faut d’abord spécifier que The Lost n’a absolument rien à voir avec une série télé où des voyageurs se trouvent naufragés sur une île mystérieuse suite à un écrasement d’avion. Il s’agit plutôt d’un film indépendant américain de Chris Siverton, le monteur de May, le film culte de Lucky McKee (qui se fait, ici, producteur). Dans cette adaptation du roman de Jack Ketchum, on suit les inquiétantes mésaventures de Ray Pye, un sociopathe misogyne qui partage avec ses deux plus proches amis un sinistre secret: il est meurtrier.

The Lost, comme la plupart des longs métrages produit aux U.S.A à l’extérieur des grands studios hollywoodiens, possède un budget que James Cameron qualifierait d’insultant. Ceci implique de bonnes et de mauvaises conséquences. Faute de moyens, tous les acteurs ne sont pas des professionnels. Le jeu de certaines actrices de soutien, principalement celles qui doivent se dénuder, paraît très amateur. Par contre, en engageant des acteurs inconnus, il arrive, à l’occasion, qu’on déniche une perle rare. C’est le cas de Marc Senter, l’interprète de Ray Pye, un inquiétant malade mental qui cherche à plaire à tout le monde. Senter semble faire, à travers Ray Pye, une imitation de Tom Cruise, le plus connu des inquiétants humanoïdes bizarroïdes de la planète (il a une mince longueur sur Michael Jackson) et ça fonctionne à merveille. De la même façon, puisque l’équipe de production ne possédait pas les fonds nécessaires à la reconstitution de la période historique des années 50, époque où se déroule l’intrigue du roman, le réalisateur a opté de situer l’action dans une époque universelle au carrefour d’influences provenant de cinq décennies, soit les années 50, 60, 70, 80 et 90. Cette approche similaire à celle proposée dans Requiem for a Dream, est habilement justifiée par le réalisateur qui suggère que comme le personnage principal se sent perdu dans sa communauté, sa communauté se perd dans le temps. Encore pour sauver de l’argent, Siverton s’est tourné vers des groupes de musique signés sur des labels indépendants pour constituer la trame sonore. Le choix s’est avéré judicieux puisque les morceaux musicaux brassent en masse tout en étant aucunement familiers.

 Travailler à l’écart du système hollywoodien offre aussi une liberté créatrice que les artisans de The Lost ont su saisir. L’intrigue est violente et truffée de passages à caractère sexuel. C’était le cas dans le roman et le film ne s’abstient pas de montrer très graphiquement les scènes violentes et les scènes de nudité. Difficile d’imaginer un tel film être produit par Walt Disney. Dans le même ordre d’idées, le film baigne dans un humour plus que noir, un humour morbide à la limite du mauvais goût. On digère parfois mal cet humour, surtout lors du dernier acte quand Pye lance blagues par dessus blagues tout en maltraitant très violemment ses victimes.

 Une mention honorable doit aussi aller au montage du film. Le travail de Siverton, dans ce domaine, est spectaculaire et efficace. Particulièrement mémorable se veut une séquence de montage où les ébats amoureux de Ray Pye avec ses différentes conquêtes sont juxtaposés, démontrant comment le personnage principal agit différemment avec chacune d’elles.

 Enfin, The Lost impressionne malgré certaines faiblesses, la plupart dues à son budget. Ce film, que vous l’aimiez ou non, s’imprègnera dans votre mémoire, ce qui est plus que ce que l’on peut dire de la plupart des films de grands studios hollywoodiens.