Un film plate de Toru Matsuura, avec Yosuke Eguchi et Aoi Myazaki. Japon, 2005, 122 minutes.
Levez la main ceux qui savent ce qu’est la synesthésie. Bravo. Pour les autres, la synesthésie représente un désordre sensoriel plus important que le daltonisme : la stimulation d’un sens provoque la réponse d’un autre. Par exemple, toucher du bois peut donner l’impression de goûter du gâteau McCain.
Shin, le personnage principal du film critiqué, est atteint de Synesthésie. Puisque la synesthésie n’affecte pas deux personnes de la même façon, il se trouve à être le seul à voir les choses comme il les voit. Du moins, c’est ce qu’il croyait jusqu’à ce qu’il aperçoive un dessin abstrait laissé par un meurtrier en série nommé Picasso sur la scène d’un de ses crimes. Partagerait-il, finalement, sa vision du monde avec une autre âme?
Avec un sujet semblable, comment ne pas s’attendre à une expérience visuelle et sonore déjantée, un reproduction d’un trip de LSD jumelé à un film de tueur en série? Ajoutez à cela des meurtres retransmis en direct sur Internet, l’implication de yakuzas dans les meurtres commis par Picasso ainsi que la présence d’un jeu d’ordinateur qui hypnotise ses utilisateurs et les pousse à tuer ou à se suicider et vous seriez en droit de vous dire : « Putain, ce film sera le meilleur de tous les temps! ».
Vous auriez tort. Très tort. Malgré la direction photo extraordinaire, malgré les personnages sympathiques, malgré la qualité des décors et des costumes et de la musique, Synesthesia demeure un échec monumental. La source de tous les problèmes de l’oeuvre s’identifie facilement : le scénario. D’abord, le scénario a pris un pli américain et a fait de ses personnages des idiots. « Je suis tellement idiot » est même les dernières paroles d’un des personnage principaux. Ouch. La raison derrière cette aberration est simple. En expliquant aux personnages principaux ce qui se passe, on l’explique du même coup aux spectateurs. En d’autre termes, le réalisateur Toro (comme mon ancienne souffleuse à neige!) Matsuura prend les spectateurs pour des idiots. Le manque de respect envers l’audience ne constitue pas le seul problème du scénario. Toute l’intrigue secondaire axée autour de l’hypnose par jeu vidéo semble provenir d’un autre film encore moins crédible. Même chose en ce qui concerne le visionnement de snuff films sur Internet. Côté cohérence, le scénario contient aussi des failles. Même après avoir été expliqué par deux personnages différents, le motif du tueur demeure illogique. Tuer des gens parce qu’on se sent seul, ce n’est pas une façon de se faire des amis.
Vous souvenez-vous de The Cell? Dans ce film de J-Lo, des enquêteurs utilisaient une machine exceptionnelle (en forme de costume de Batman suspendu), qui permettait de s’immerger dans le monde intérieur d’un individu. Quel formidable concept, que de possibilités! Malheureusement, le plaisir s’arrêta là puisque de toutes les possibilités extraordinaires, les scénaristes optèrent pour la plus ordinaire : déjouer un tueur en série. Une fois le générique de Synesthesia débuté, l’écho de The Cell, se fit entendre dans ma mémoire. Synesthesia souffre du même problème que The Cell. Ainsi, je l’oublierai jusqu’à ce qu’un autre film bourré de potentiel déçoive grandement.