Un film de Pou-Soi Cheang avec Edison Chen, Sam Lee et Lam Suet. Hong Kong, 2006, 109 min.
Un Cambodgien élevé pour se battre est engagé pour commettre un meurtre à Hong Kong. Repéré par les forces de l’ordre, il tue sauvagement le collègue du détective Wai et arrive à prendre la fuite. S’en suit une chasse à l’homme entre un policier enragé et un assassin farouche.
Dès les premières minutes du film, le réalisateur Pou-Soi Cheang établit deux choses primordiales, il n’a pas le coeur à rire et maîtrise avec panache son médium. Il raconte son histoire en images et en actions sans recourir inutilement à des dialogues. Sa façon d’attacher sa ceinture, ses manières (ou absence de) à table et son astuce pour transporter de l’argent en disent long sur l’agressivité, le manque d’éducation et la débrouillardise du tueur. Même le personnage plus cliché du brillant détective se développe principalement par ses gestes. Son attitude rebelle et auto-destructive transparaît dans sa façon de fumer, à la chaîne, cigarettes par dessus cigarettes, même si cela déplaît à son supérieur.
Au niveau du récit, Dog Bite Dog demeure haletant tant que le bon traque le méchant, quoi que le cinéaste s’amuse à brouiller, le mieux possible, la frontière entre les deux. Les méthodes employées par le représentant de l’ordre n’ont rien de légal: il torture des malheureux témoins ou flingue par mégarde des innocents tandis que le criminel attire la pitié en raison de son passé pathétique, son rôle de proie et son affection pour une autre âme perdue ayant croisée la route de sa fuite.
Toutefois, le drame perd de son énergie et flirte avec la mièvrerie quand les deux protagonistes s’arrêtent pour des pauses dramatiques. Ces brefs mais radicaux changements de ton, on passe d’une violente bataille à un long monologue larmoyant sur la relation difficile entre l’enquêteur et son père, prépareront les spectateurs à une fin qui atteint un sommet de drôlerie involontaire. Comment ne pas pouffer de rire lorsque, sur une version massacrée par une chanteuse asiatique de « You are my Sunshine », un dur à cuire interrompt son combat à l’arme blanche pour pratiquer, et réussir, une césarienne à froid sur l’élue de son coeur? Hormis ces quelques écarts tragi-comiques, le film conserve généralement une attitude anarchique rafraîchissante.
Dog Bite Dog regorge de belles qualités techniques. Le montage sonore exploite à merveilles les 5.1 canaux disponibles sur les bons systèmes de son. Vous le remarquerez particulièrement quand le Cambodgien assassin glissera sur le sol asphalté un poteau à la base cimentée. Le bruit de friction fait écho dans tout le cinéma. Aussi, plutôt que d’insérer les effets sonores habituels d’air déplacé lors des combats, des jappements de chiens ont été utilisés. Vous avez bien lu, quand un personnage s’élance pour donner un coup de poing, au lieu d’entendre « woush », vous entendrez « wouf »… Les décors sont aussi fort réussis. Chaque affrontement entre les deux protagonistes se déroulent dans des milieux détruits, soit dans un dépotoir, une bâtisse désaffectée ou un temple en ruines.
En somme, l’aspect imprévisible de la narration bonifie une production très solide techniquement. Dog Bite Dog est une oeuvre sauvage, pas tout à fait domestiquée, qui plaira aux amateurs de films chaotiques.