Les 3 p’tits cochons

Un film de Patrick Huard avec Guillaume Lemay Thivierge, Claude Legault et Paul Doucet. Canada, 2007, 122 minutes.


Patrick Huard n’a jamais caché son rêve de remporter, un jour, un Oscar. Ce n’est certainement pas avec Les 3 p’tits cochons qu’il se méritera la statuette du meilleur film étranger.

3 petits cochons
3 petits cochons

Cette fable amorale raconte les aventures extraconjugales de trois frères réunis périodiquement autour du lit d’hôpital de leur mère comateuse (France Castel dans le rôle le plus facile de sa carrière). Le benjamin (Guillaume Lemay Thivierge, souvent torse nu) s’adonne à des relations moins inconséquentes qu’il ne le conçoit, sur Internet. Le cadet (Claude Legault), sous le joug de dettes et de lourdes responsabilités familiales, s’accorde un brin de liberté en s’éprenant d’une sulfureuse collègue de travail. L’aîné (Paul Doucet) semble confortable dans sa maison de brique. Néanmoins, sous ses apparences incorruptibles se cache un homme qui aime le défi de la tentation.

Le message de cette version urbaine et contemporaine de la fameuse fable se résume à ceci : «  Tous les gars sont des porcs (de nombreuses filles aussi) mais c’est correct de même  ». En ce sens, le film de Huard rejoint L’horloge biologique de Ricardo Trogi puisqu’il présente, à travers trois personnages masculins, un regard à la fois humoristique et pessimiste sur les relations de couple.

3 petits cochons
3 petits cochons

D’ailleurs, comme pour Les Boys ou Québec Montréal, Les 3 p’tits cochons, mise sur des répliques juteuses comme «  Laisse faire les ostis de détails  », «  Chu pas beau pis j’ai pas une cenne, faque chu fin pis j’écoute  », «  Y’a pas juste le doigt que je veux me mettre dans l’engrenage  » ou «  On peut pas faire ça à une balle  », pour aspirer au rang de film culte souvent cité et récité.

Le travail de Huard souffre de quelques défauts propre à une première réalisation. Les dernières péripéties viennent marteler le thème plutôt que le nuancer. De plus, des narrations en voix-off provenant de presque tous les personnages se voient plaquées sur une intrigue qui n’en nécessite pas. Cet élément stylistique s’ajoute aux fioritures telles une cabine téléphonique qui brille comme un phare dans la nuit, un protagoniste qui imagine des dialogues réconfortants avec sa mère inconsciente (et illuminée) ou une foule d’individus avec le terme «  salaud  » d’étamper dans le front, qui torpillent la subtilité du propos. Le meilleur exemple de cette confiance inexistante dans l’esprit d’analyse du spectateur réside dans l’explication abusive du titre. Comme si vous étiez incapable de saisir, en lisant votre billet et en suivant le déroulement du récit, le lien formel associant le long métrage au conte pour enfant, Patrick Huard l’articule pour vous par la bouche de Sophie Prégent.

3 petits cochons
3 petits cochons

D’ailleurs, à propos des acteurs, Guillaume Lemay Thivierge amène une exubérance excessive que le metteur en scène n’arrive pas à contrôler. Son énergie débordante se prête mieux au rôle d’un héros de film d’action qu’à celui d’un timide voyeur. Claude Legault continue de bâtir sa solide réputation d’interprète. Son jeu s’adapte parfaitement aux registres dramatiques et comiques de la production. Pour ce personnage crédible et authentique, il pourrait se mériter, sans surprise, le Jutras du meilleur acteur. À côté des deux vedettes masculines les plus «  hot  » du cinéma québécois, Paul Doucet se tire admirablement bien d’affaire. À l’opposé de Guillaume Lemay Thivierge, il ancre, avec son personnage stoïque, un film qui pourrait facilement partir à la dérive.

Heureusement, Patrick Huard a fait du désir, et non des vénusiennes, le gros méchant loup de l’histoire. Coincés dans des rôles secondaires, les Sophie Prégent, Julie Perreault et Isabelle Riché s’investissent malgré tout corps et âmes. On pourrait uniquement reprocher à Mahée Paiement de parfois mal saisir sa lumière. Je blâme l’éclairagiste. Aussi, pour une raison qui n’est pas expliquée dans le récit, toutes les femmes gardent leur soutien-gorge, camisole ou blouse lorsqu’elles font l’amour. Étrange et décevant.

3 ptits cochons
3 ptits cochons

La morale de l’histoire c’est que l’humoriste devenu acteur devenu scénariste devenu réalisateur signe un premier film souvent drôle, parfois émouvant, rarement subtil. S’il parvient à trouver en lui la force de croire en l’intelligence de ses clients, il m’apparaît promis à un bel avenir artistique. Sinon, sa carrière risque de prendre une tangente à la Louis Saïa. Il n’y a rien de mal à ça, tout le monde aime les bouffons, mais personne ne leur remet d’Oscars.