Screw Loose Change

Le 11 septembre a marqué l’imaginaire de la population mondiale. 6 ans plus tard, des documentaires sur le sujet attisent la contreverse.


Plus jeune, les «  dossiers mystères  » me fascinaient. Souvent, je me rendais à la bibliothèque municipale pour consulter des bouquins sur les ovnis, Nostradamus ou les sociétés secrètes. Mon intérêt pour ces mystères diminua de façon drastique quand, à la télévision, j’aperçus l’allure des principaux tenants de ces thèses farfelues. Sans rigoler, les Nenki de ce monde paraissent aussi bizarre que leurs théories.

Bien des années plus tard, l’Internet s’impose comme le lieu de rencontre et de discussion de ceux qui ne croient ni aux apparences, ni aux évidences. De concert, ils élaborent les explications les plus loufoques aux problèmes les plus inquiétants. Ils se disent chercheurs de vérité et produisent Loose Change.

Loose Change 2nd Edition de Dylan Avery.

Ce long métrage documentaire distribué en ligne prétend faire la lumière sur les attentats du 11 septembre. À partir d’images puisées à même les grands médias et d’actualités fabriquées par The American Free Press le documentariste Dylan Avery soutient que Bin Laden n’a pas commandé les attentats, qu’aucun avion ne s’est écrasé sur le Pentagone, que le vol United 93 ne s’est pas écrasé dans un champs de Pensylvanie, que les tours du World Trade Center ont été dynamitées et que la famille Bush est responsable de tout ça pour une poignée de p’tit change (Loose Change).

En visionnant ce documentaire, il est facile de se laisser convaincre. D’abord, pour un film amateur, la forme n’a rien de rudimentaire. Une musique accrocheuse capte d’emblée l’attention. Un montage précis et rapide ne laisse pas le temps de douter des arguments avancés. La narration incessante (en apparence omnisciente) n’accorde aucune place aux contres-arguments. Ensuite, comme pour tous bons mensonges, les points avancés par Avery se basent sur des demis-vérités. Par exemple, d’après l’image présentée dans le film, l’ouverture creusée par un boïng dans la paroi du Pentagone paraît inférieure au volume de l’avion. Toutefois, la photo ne correspond pas à l’axe d’impact de l’avion de ligne. Une photo prise d’un angle différent révèle une vérité différente. L’opiniâtreté du propos plairait certainement à Michael Moore, toutefois le narrateur morose et invisible n’apporte pas la subjectivité amusante du réalisateur américain récipiendaire de la Palme d’or.

Un autre internaute, outré par les allégations de Loose Change, tel les voyageurs du vol 93 ne sont pas décédés, a décidé de greffer au film sa contre-argumentation. À la manière d’un Pop-Up vidéo, des réfutations apparaissent à l’écran. Il en résulte une oeuvre complètement différente et plutôt étrange qui défie les notions d’auteur.

Screw Loose Change de Mark Iradian.

Dans ce cinéma de guérilla, les documentaristes s’accaparent sans permission des images tournées par d’autres réalisateurs et se font faire le même coup par ceux qui commentent leur travail. Du produit final, qui est l’auteur? Celui qui a apporté la dernière touche, celui qui a assemblé le document original, ou les deux malgré le fait qu’ils visent des buts opposés? Est-ce que les théories de Claude Simon sur les contes s’appliquent aussi aux documentaires?

Voilà des questions formelles qui préoccupent un diplômé d’études cinématographiques. Elles s’ajoutent aux accusations lancées comme des avions à celles lancées vers les autorités américaines par le réalisateur de Loose Change et aux répliques cinglantes du responsable de Screw Loose Change.

Qu’il fait bon vivre à l’ère d’Internet.