Un film de Claude Lelouch, avec Dominique Pinon, Audrey Dana et Fanny Ardant, France, 2006, 103 min.

Qu’est-ce qu’un roman de gare? Il s’agit d’un bouquin aux faibles qualités littéraires qui cherche simplement et uniquement à divertir le lecteur. C’est ce que les américains appellent des romans «  pulp  ». La romancière Judith Ralitzer se spécialise dans l’écriture de ce type de bestsellers. A-t-elle tuée son secrétaire comme le prétend l’enquêteur qui l’interroge? S’agissait-il vraiment de son secrétaire? Comment un professeur d’école qui a plaqué sa femme et ses deux enfants, un tueur en série pédophile et prestidigitateur et une coiffeuse décoiffée peuvent compliquer cette histoire? Et si tout cela n’était qu’un roman de gare…

Que Roman de gare représente un film maîtrisée ne surprendra personne. En presque 50 ans de métier, Claude Lelouch a accumulé les opus, pensez à L’aventure c’est l’aventure ou Les uns et les autres. Toutefois, les jeux formels qui caractérisent ce long métrage ressemblent davantage au travail d’un jeune coq que d’un vieux loup.

Considérez cette ouverture. Le point de vue subjectif d’un prisonnier qui s’évade se fond lentement dans le point de vue subjectif d’un automobiliste qui roule à toute vitesse. Ce fondu signifie-t-il simplement un passage du temps, l’automobiliste et le prisonnier étant la même personne? Peut-être qu’il représente l’imagination du conducteur, le fugitif n’existant que dans sa tête. Peut-être qu’il s’agit de deux personnes différentes et que le fondu exprime que leurs destins sont liés. Roman de gare regorge de mystères de la sorte.

Le protagoniste interprété par Dominique Pinon (le mec à la gueule de Popeye des films de Jeunet) demeure mystérieux jusqu’à la toute fin de l’oeuvre. Est-il romancier, tueur en série, professeur d’école secondaire ou création fictive? Lelouch refuse de le dévoiler avant les dernières minutes de son film. Comme dans tout bon polar, chaque personnage cache des secrets qui seront dévoilés alors que progresse l’intrigue. Pour maintenir votre intérêt, Lelouch se contente d’exploiter à merveilles ces révélations plutôt que d’empiler les cadavres. Il mise aussi sur un deuxième acte amusant pêché d’une comédie romantique. Pinon croise Huguette (Audrey Dana), une coiffeuse plaquée par son fiancé et abandonnée sur le bord de la route. Cette dernière convainc l’inquiétant bonhomme de jouer le rôle de son amoureux, le temps d’une soirée passée en famille. Heureusement, la tension établie avant cette accalmie rehausse cette banale section pleine de quiproquos faciles.

Enfin, pour ceux qui l’avaient oublié, Lelouch est un grand cinéaste. Il présente d’emblée de nombreuses énigmes, vous laisse y réfléchir pendant qu’il s’adonne à la comédie romantique, puis revient solutionner le tout. Du début à la fin, comme un train, il conserve un rythme soutenu qui vous forcera à demeurer attentif et vous empêchera de vous ennuyer. Alors, renouez avec ce réalisateur de génie en montant dans le Roman de gare.