Un documentaire de Florian Orpitz, 2006, 95 min.
Les pratiques économiques modernes, tout comme les pratiques guerrières modernes, se déshumanisent. Les initiatives d’un chef d’entreprise ou d’un fonctionnaire affectent directement la vie de nombreuses personnes, sans pour autant que le décideur ne rencontre les victimes de ses politiques. Tel est le constat défendu par Florian Orpitz à travers le documentaire The Big Sellout. Pour ce faire, il montre les effets pervers de la privatisation sur quatre différents continents.
En 1999, le gouvernement d’Afrique du Sud entreprit de vendre la compagnie nationale d’électricité. Désormais, ESKOM peut couper ce service essentiel à ceux qui ne peuvent le payer. La résistance s’organise autour d’électriciens illégaux qui rebranchent les familles dans le besoin.
En 1997, le gouvernement britannique privatisa le service de transport ferroviaire. Depuis, au moins trois graves accidents ont été directement attribués à l’absence d’investissements de la part des entreprises ayant acheté les trains et les rails.
Depuis 1980, le service de santé des Philippines passe progressivement du public au privé, au détriment de la population moins bien nantie. Ça n’empêche pas les médecins et infirmières de quitter le pays pour poursuivre leur carrière dans de meilleurs conditions à l’étranger.
En 2000, la Banque Mondiale imposa aux autorités boliviennes la privatisation de son service d’eau courante en échange d’un prêt. Le texte de la loi couvrait même l’accumulation d’eau de pluie.
On ne peut accuser Florian Orpitz de déshumaniser son propos. Il ne passe pas son message à travers des statistiques ou des graphiques. Il laisse les victimes de ces douteuses décisions financières s’exprimer. Il aborde aussi, brièvement, le rôle joué par la Banque Mondiale et le Fond Monétaire International dans cette transformation de l’économie mondiale en laissant la parole à des représentants de ces organisations pour leur permettre de défendre leurs positions, le FMI optant plutôt de fournir une risible et enfantine animation idéalisant leur travail.
Plus sensible qu’éclairé, plus touchant que convaincant, The Big Sellout montre les traces de certains dérapages sans pour autant les expliquer. Toutefois, les dégâts sont si imposants qu’ils témoignent nécessairement d’une négligence du facteur humain.