Dialogue avec mon jardinier, un film de Jean Becker avec Daniel Auteuil et Jean-Pierre Darroussin, France, 2006, 1h45
Un peintre parisien en a marre de la ville et retourne s’établir dans la demeure familiale dont il a hérité suite au décès de ses parents. Une fois arrivé sur place, ce dernier s’aperçoit que jamais il ne sera en mesure de gérer convenablement cette immense propriété et lui redonner l’allure qu’elle avait jadis. Il place donc une annonce dans le journal local pour trouver de l’aide. En réponse à cette annonce, une vieille connaissance rapplique et se propose afin de vaquer aux tâches de jardinier. En se révélant l’un à l’autre, au fil des jours, les deux hommes découvriront la force des liens qui les unit et entre eux naîtra une amitié salvatrice.
Avec son adaptation du roman de Henri Cueco, l’objectif de Becker était clair; faire du personnage du jardinier la pierre angulaire de son projet. Pour y parvenir, ce dernier y est allé de manœuvres techniques classiques qui desservent parfaitement leur mandat. Plans larges de la campagne, où la beauté des vallées rappelle l’attitude paisible du jardinier, plans moyens, où se rencontrent et discutent les deux hommes, et finalement, gros plans, où est étudié scrupuleusement le jardinier et son approche toute simple de la vie. Dans tous les plans, la caméra s’approche discrètement des personnages, comme si elle ne voulait pas les perturber dans leurs échanges, pour finalement leur céder toute la place. Elle situe donc les deux personnages sous un microscope où leurs interactions constituent son champ d’étude principal. Mais voilà, si un film accorde tant d’importance à ses protagonistes, les comédiens doivent pouvoir compter sur des dialogues béton qui leur fourniront la substance nécessaire afin de composer leur alter-ego de manière convenable. Or, c’est précisément de quoi Dialogues avec mon jardinier souffre.
Ayant entamé l’écriture de son scénario avec Jacques Villeret en tête pour le rôle du jardinier, Becker s’est vu couper l’herbe sous le pied par la Faucheuse. Le réalisateur a donc dû changer sa conception du personnage principal en cours de production en plus de devoir trouver un remplaçant digne de Villeret, figure emblématique aux allures débonnaires. Mais il faut se rendre à l’évidence; Jean-Pierre Darroussin (Un long dimanche de fiançailles) est l’homme de la situation. Offrant une performance solide, Darroussin a la sensibilité et la subtilité requise pour donner toute la force de frappe souhaitée à ce personnage qui donne le ton au film. Dans le rôle du peintre, on retrouve un Daniel Auteuil toujours aussi charismatique qu’à son habitude, mais qui ne semble pas trop saisir l’importance de sa place dans le projet. On ne saurait d’ailleurs lui en tenir rigueur. Becker lui-même avoue que le personnage du peintre n’est en fait qu’un faire-valoir pour le jardinier et ne sert qu’à lui donner la réplique.
Le problème concernant le dernier projet de Becker (Les enfants du marais, Effroyables jardins), c’est que les dialogues, aspect sur lequel repose le film tout entier, sont fades et trop simplistes pour piquer la curiosité du spectateur. Becker cherche à faire du personnage du jardinier une figure de sagesse, mais en lui faisant prononcer des discours d’une trop grande naïveté, il n’arrive qu’à nous le faire entrevoir comme un homme un peu balourd, en décalage sur son temps, qui semble davantage intéressé par la pousse de ses légumes que par tout autre sujet relatif à la vie adulte. Préférant causer laitue plutôt que de prêter attention aux problèmes matrimoniaux de son vieil ami retrouvé, il ennuit avec ses litanies souvent inintéressantes et déplacées de par une ambition trop notable de vouloir nous faire réfléchir, nous, pêcheurs de la ville, ayant oubliés le véritable sens de la vie. Dommage puisque Darroussin, malgré tous les efforts de nuances qu’il appose à ses répliques, ne parvient jamais à redresser son personnage et à nous le faire prendre au sérieux. Le potache campé par Daniel Auteuil, pour sa part, semble davantage s’engager dans un processus d’infantilisation que dans tout autre cheminement vers la simplicité volontaire en suivant les bons conseils de son pote jardinier. Comment un homme de la haute parisienne, qui fréquente des artistes pédants depuis toujours et qui est réputé pour son caractère bouillant, peut-il se mettre sérieusement à peindre des radis géants sans qu’on questionne sa santé mentale?
Becker mise l’ensemble de son film sur un seul et même personnage qui, en bout de ligne, n’est pas en mesure de convaincre le spectateur de quoi que ce soit. Dommage puisque avec une telle distribution, tous les ingrédients étaient réunis pour faire de Dialogues avec mon jardinier une petite comédie dramatique efficace et distrayante pour la période des fêtes.