Un film de Shunya Ito, avec Meiko Kaji, Rie Yokoyama et Fumyo Watanabe, Japon, 1972, 87 minutes.
Basée sur un manga de Tooru Shinohara, la tragique épopée de Shunya Ito chante les vertus de la ruse, l’endurance et la vengeance.
Nami Matsushima est une femme de peu de mots. De toute façon, dans la prison où elle croupit depuis qu’elle tenta en vain de poignarder l’amant l’ayant trompée, elle ne peut se confier ni aux gardiens qui lui font la vie dure ni aux prisonnières qui écopent pour son absence de collaboration avec les autorités du pénitencier. Battue et torturée par les deux camps, elle ne vit que pour exercer sa vengeance sur ceux qui ont fait de sa vie un enfer, à commencer par celui qui l’a dupée, le détective corrompu Sugiyami.
Ce qui démarque Female Prisoner #701 des autres films de femmes en prison ayant vu le jour dans les années ’70 réside dans la créativité exceptionnelle de sa mise en scène. Très théâtrale, elle épate, notamment lors du flashback exposant comment Matsu a atterri dans un centre correctionnel. Cette séquence, avec ses décors artificiels et l’emploi d’un interminable morceau de tissu, semble calquée sur le spectaculaire segment « Got to dance! » de Singing in the Rain. Des éclairages colorés et expressifs, des cadrages inusités, des ralentis découpant l’action et des personnages stylisés contribuent à octroyer à l’oeuvre une beauté plastique qui détone avec la majorité (totalité?) des long métrages du même genre.
Ce qui n’empêche pas les scénaristes Fumio Konami et Hiro Matsuda et le réalisateur Shunya Ito d’inclure les scènes de viol, lesbianisme, nudité gratuite, misogynie, meurtres et émeutes qui caractérisent ces productions. Néanmoins, leur présentation originale et leur impact surprenant sur le déroulement de l’histoire désamorce les clichés. Mieux encore, le réalisateur tapisse de symboles visuels la descente aux enfers de l’héroïne et sa quête de rétribution. Le parallèle souligné entre le drapeau japonais qui surplombe le duel final et un drap blanc taché de sang résultant de la perte de virginité de la protagoniste, jumelée à la réplique, l’une de ses rares, de Matsu: « Être trompée est le crime d’une femme » commente la position d’un pays coupable (et puni) d’avoir suivi l’Allemagne Nazi lors de la Seconde Guerre mondiale.
Tout ce travail phénoménal se serait révélé inutile si les frêles épaules de Meiko Kaji n’avaient pu porter le poids du long métrage. Toutefois, sa mémorable prestation dans le rôle de l’implacable scorpion rehausse d’un autre cran la qualité de cette production. Son visage impassible laisse toute la place à son regard assassin, merveilleusement mis en valeur par les gros plans de Shunya Ito.
Formidable à plus d’un niveau, cité à maintes reprises dans Kill Bill, Scorpion: Female Prisoner #701 représente un grand film de genre. À voir que vous soyez en prison ou non.