Clerks II

Un film de Kevin Smith, avec Brian O’Hallaran, Jeff Anderson et Rosario Dawson, États-Unis, 2006, 97 min.


Élevé de manière fulgurante au rang de film culte, Clerks lança la carrière de Kevin Smith, pour le meilleur (Chasing Amy) et pour le pire (Jay and Silent Bob Strikes Back).

Il y a de cela très longtemps, au New-Jersey, deux commis, l’un de dépanneur, l’autre de club vidéo, s’échangeaient des boutades sur les femmes, le travail et, bien sûr, Star Wars. Réduits à bosser derrière le comptoir d’une concession de malbouffe après l’incendie qui brûla le commerce où ils évoluaient, Randal et Dante affrontent la trentaine avec réticence. Bien que Dante doive, de nouveau, choisir entre deux femmes éprises de lui et que Randal demeure aussi vulgaire, Clerks II se révèle énormément différent de son célèbre prédécesseur.

clerks1.jpg

Le noir et blanc cède sa place aux couleurs. Les cartons introduisant les différents chapitres de l’oeuvre disparaissent. Alors que l’original montrait lucidement les horreurs quotidiennes du travail de commis, la suite n’emploie la restauration rapide que comme décor. Ici, Jay et Silent Bob paraissent présent par défaut. Kevin Smith le dit lui-même, à travers la bouche de son personnage presque muet: «  I got nothing  ». Jadis, Smith n’aurait pas commis l’affront d’imaginer une histoire d’amour entre Rosario Dawson et Brian O’Halloran. Disons simplement qu’ils n’appartiennent pas à la même ligue. Pire, le personnage de Elias (Trevor Fehrman), créé pour tenir occupé Randal pendant que Dante démêle ses amourettes, s’avère certainement le plus médiocre de l’univers View Askew. Idiot, d’une naïveté irritante et finalement déviant, il ne possède aucun trait attachant.

Tous ces écarts sont symptomatiques d’un réalisateur devenu distant de son sujet. Alors que Clerks donnait l’impression d’être un film réalisé par un commis, sur des commis, pour des commis, Clerks II semble avoir été tourné par un cinéaste hollywoodien, avec des acteurs professionnels, pour un large public.

Bref, comme suite à Clerks, Clerks II se révèle inappropriée. Si on considère la production par elle-même, elle ne se démarque pas outre mesure des comédies romantiques américaines qui pullulent dans les clubs vidéos. Les couleurs sont vives, les gags visuels fréquents, le montage serré et les intrigues amoureuses faciles à suivre. Espérons qu’il ne s’agit que d’un faux-pas dans l’oeuvre de Kevin Smith car ses plus récentes réalisations (Jay and Silent Bob Strikes Back, Jersey Girl) tendent vers la moyenne alors qu’il représentait jadis un talent à surveiller.