Un film de Jacques Tourneur avec Robert Mitchum, Kirk Douglas et Jane Greer, États-Unis, 1947, 97 minutes.
Où est Bailey? Telle est la question posée par un étranger qui débarque dans une petite ville américaine anonyme. Mais la question pertinente serait plutôt: Qui est Bailey?
Campé par Robert Mitchum, Jeff Bailey est un mécanicien taciturne qui cache un secret mystérieux. Autrefois il se nommait Jeff Markham et travaillait comme détective. Un riche malfrat l’engagea pour retrouver la femme qui le blessa de quatre balles de pistolet avant de lui dérober 40 000$. Après avoir suivi ses pas jusqu’au Mexique, Jeff tomba amoureux de l’objet de sa quête ce qui le plaça dans une position embarrassante auprès de son employeur. Débusqué, Jeff doit éviter les pièges que lui tendent son ancienne flamme et son ancien patron.

Out of the Past regroupe tous les éléments importants des meilleurs films noir. Paré d’un imperméable, clope au bec, Robert Mitchum correspond à l’image classique du héros futé au tragique destin. Son ton sec, son air blasé, son imposante stature et son aisance pour les scènes d’action commandent le respect. Dans le rôle de la femme fatale, Jane Greer se montre parfaitement irrésistible et impitoyable. Le regard fasciné qu’elle affiche lorsque deux hommes se battent sauvagement devant elle en révèle beaucoup sur son caractère. Quant à Kirk Douglas, il insuffle une étrange joie de vivre à son rôle d’antagoniste. Comme un requin, il est menaçant mais ne cesse de sourire.
L’extraordinaire scénario de Daniel Mainwaring donne à tous ces acteurs d’excellentes répliques à débiter. C’est ainsi que Robert Mitchum répond sèchement « Bébé je m’en fous » à Jane Greer alors qu’elle explique les motifs de son crime: « Je ne savais pas ce que je faisais. Tout ce que je savais, c’est à quel point je le détestais ». Des échanges de la sorte, Out of the Past en est truffé. « Je n’ai pas envie de mourir! » lance-t-elle. « Moi non plus » rétorque-t-il, avant d’ajouter: « Mais s’il le faut, je le ferai en dernier »…

Jacques Tourneur insuffle à son film un style marqué qui définira pendant des années l’esthétique du film noir. Les magnifiques jeux d’ombres et de lumière que forment les éclairages sont aussi magnifiques que symboliques. Par exemple, alors que Jeff se prépare dans les bois, la nuit, à sa confrontation ultime avec Cathy, l’ombrage des branches dessine sur lui une toile d’araignée. Il est piégé par un prédateur qui ne demande pas mieux que de le bouffer tout cru pour assurer sa survie.
60 ans après sa sortie en salle, en raison de ses indéniables qualités artistiques, Out of the Past de Jacques Tourneur demeure une oeuvre fascinante. La richesse de ses dialogues, l’excellence de sa mise en scène et la prestation iconique de sa tête d’affiche en font un chef d’oeuvre indémodable.