Un fim de Rian Johnson, avec Joseph Gordon Levitt, Nora Zehetner, Lukas Haas, Noah Fleiss. États-Unis, 2005, 110 min.
Le film noir est un genre cinématographique éteint. Il n’a pas survécu aux années 50. Lorsqu’un réalisateur s’efforce de le réanimer, les résultats varient de mitigés (The Good German) à lamentables (Able Danger). Par contre, il influence toujours les cinéastes. C’est ainsi que les archétypes habitant les univers de Out of the Past, The Maltese Falcon, et Murder, My Sweet réapparaissent à l’occasion dans des films pour enfant (Who Framed Roger Rabbit?), des films de science fiction (Blade Runner) ou, dans le cas de Brick, un film pour adolescents.

Tout n’est pas rose dans la vie de Brendan Fyre. Cet élève solitaire et futé peine à se remettre de sa rupture avec Emily. Lorsque cette dernière lui téléphone larmoyante, Brendan se lance à sa recherche et la retrouve morte dans le caniveau. Qui est le meurtrier? Tug, le dur à cuire aux capacités intellectuelles limitées? The Pin, le machiavélique revendeur de drogues? Ou Laura, la jolie fille qui connaît tout le monde de l’école? Pour débusquer la vérité, Brendan devra infiltrer user de ses poings et de ses méninges tout en risquant d’être renvoyé de son école secondaire.
Rian Johnson souligne à gros traits les clichés qu’il emprunte aux films noir. Tous les personnages sont stylisés pour les rendre facilement reconnaissables: le héros, avec ses petits souliers de cuir, sa veste beige et ses lunettes, l’homme de main avec sa tuque et sa camisole blanche, le chef de bande avec sa cape noire et sa cane ainsi que la femme fatale avec ses yeux de biche et ses cigarettes. Les lieux dans lesquels ils évoluent, la banlieue, l’école, le sous-sol de bungalow, appartiennent par contre aux codes des films pour adolescent à la High School Musical. Le parallèle tracé entre les deux univers expose leur manque de naturel respectif.
Brick réussit là où échoue la plupart des films noir ou policier. Le récit se veut plus qu’une enquête intrigante, il décrit la tristesse et l’entêtement de son protagoniste. Joseph Gordon-Levitt (qui deviendra bientôt le commandant Cobra dans l’adaptation de G.I. Joe) expose bien ces facettes de son personnage. Cependant, ce ne sont pas tous les membres de la distribution qui se montre aussi compétent. Noah Fleiss, « l’acteur » chargé de camper Tug, se révèle complètement ridicule. Il paraît crispé lorsqu’il doit sembler enragé. Il semble confus lorsqu’il doit paraître ému.

Les dialogues ne l’aident en rien. Les échanges se font dans un jargon inventé qui rappelle davantage les expressions inorthodoxes entendues dans Juno que les répliques sèches et cinglantes des meilleurs films noir. Certains passages demeurent amusants, comme cette habile répartie: « je te fais encore moins confiance que lorsque je ne te faisais pas confiance ».
De bons mots doivent être écrits au sujet du montage sonore de Randy Babajtis. Rarement la qualité de cet aspect technique n’attire l’attention mais c’est le cas ici. Le suspense d’une scène de poursuite à pied entre Brendon et un fier-à-bras chargé de le percer d’une lame est rehaussé par les bruits de pas, très différents, des deux coureurs. Lors d’un autre passage, la puissance d’un coup de poing est amplifiée par le son d’une voiture qui roule à toute allure. Enfin, une séquence complète s’appuie sur un mixage ambiophonique pour suggérer une bataille entre deux bandes rivales de criminels. Quant à la musique de Nathan Johnson, elle se démarque par son instrumentation originale mais agace par son omniprésence.
Pour ceux qui connaissent les codes du film noir, Brick semblera un tantinet prévisible. Pour les autres, le long métrage de Rian Johnson pourra servir de portail à ce genre cinématographique fascinant. Pour tous, il annonce, comme une brique lancée dans une fenêtre, l’arrivée fracassante de nouveaux talents à Hollywood en les personnes de Rian Johnson et Joseph Gordon Levitt.