Wristcutters: A Love Story

Une fable de Goran Dukic, avec Patrick Fugit, Shannyn Sossamon et Shia Whigham. États-Unis, 2006, 91 min.


D’après ce que j’ai compris dans mes cours de cathéchèse, les malheureux qui se suicident sont bannis en enfer. Avec Wristcutters: A Love Story, Goran Dukic imagine un purgatoire encore plus cruel que celui avancé par la Bible: l’au-delà des suicidés est identique au monde qu’ils ont volontairement quitté, mais juste un petit peu plus minable. C’est comme déménager de Montréal à Longueil.

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Ainsi, quand Zia, un jeune homme atteint du spleen, s’ouvre les veines, il atterrit dans une petite ville miteuse où il doit travailler comme livreur de pizza et partager un appartement avec un Autrichien irritable. Dans ce monde où il est physiquement impossible de sourire, Zia ne regrette qu’une chose du monde des vivants: sa douce Désirée. Lorsqu’il apprend qu’elle aussi s’est enlevée la vie, il part à sa recherche accompagné de son meilleur ami Eugene, un rocker russe, et de Mikal, une auto-stoppeuse kleptomane prétendant être dans le mauvais monde par erreur.

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Pour un film qui commence par un suicide sordide, le reste baigne étonnement dans les bons sentiments. Sur les routes du pays des suicidés, Zia, Eugene et Mikal trouveront l’amour, perdront leurs verres fumées dans un trou noir dissimulé sous le tapis d’auto du côté passager d’une vielle bagnole, apprendront à faire des miracles insignifiants et peut-être, qui sait, rencontreront-ils les personnes en charge de ce monde de fous?.

D’une drôlerie et d’une bizarrerie charmante, Wristcutters représente d’abord et avant tout un hommage à la désinvolture. L’intrigue se développe avec une facilité déconcertante employant à merveilles les codes du «  road movie  ». Les échanges entre le trio de protagonistes paraissent si naturels qu’on les imagine improvisés. Pourtant, le scénario adapté de la nouvelle Kneller’s Happy Campers de Etgar Keret devait être plutôt solide pour attirer, dans des rôles mineurs, des talents majeurs.

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Ainsi, Tom Waits (le chanteur), Will Arnett (Arrested Development) et Jake (fils de Gary) Busey passent successivement devant la caméra dans des scènes amusantes. Patrick (le jeune journaliste de Almost Famous) Fugit, affiche, dans le rôle principal, un air abasourdi auquel les spectateurs, confrontés à un univers décrépi et surprenant, peuvent s’identifier. Shannyn (la lady de A Knight’s Tale et la tentatrice de 40 days and 40 Nights) Sossamon, a le physique d’outre-tombe qui convient parfaitement à son personnage mort d’une overdose. Mais Shia (un pouilleux de Lords of Dogtown) Whigham, avec son accent russe, sa bedaine de bière et ses observations hilarantes, vole la vedette.

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La légèreté avec laquelle le cinéaste Goran Dukic aborde le lourd sujet du suicide dérange. Par exemple, le héros se tranche les veines sans véritablement sembler déprimé. Le rocker le fait davantage pour paraître cool que pour quitter ses proches. Le message du film, le sens de notre vie nous apparaît quand on cesse de le chercher, ressemble plus à de la pensée magique qu’à une proposition philosophique. Visiblement, une étude des raisons poussant les jeunes à s’enlever la vie ne figurait pas au cahier de tâches du scénariste et réalisateur.

Même si l’approche est faite naïvement, il s’agit tout de même d’une approche. Sans dramatiser le sujet, au contraire en le ridiculisant un tout petit peu, Goran Dukic tente d’effriter un tabou qui doit disparaître pour que notre société étudie lucidement cette épineuse problématique. À voir que vous soyez morts ou vivants ou entre les deux.