Un film de Jan Kounen, avec Vincent Cassels, Michael MAdsen et Juliette Lewis, France, 2004, 119 minutes.
La forme du western se prête admirablement bien à différentes expérimentations: El Topo de Jodorowsky et Dead Man de Jarmush en font foi.
Ajoutez Jan Kounen, le réalisateur de l’énergique et éclaté Dobermann à cette liste. Chargé d’adapter au grand écran les exploits du Marshall Blueberry, héros iconique de la BD franco-belge, Kounen y ajoute une épaisse couche de mysticisme qui métamorphose un film de cowboy classique en oeuvre psychédélique.
Le marshall Blueberry, originaire de la Louisianne, entretient des relations harmonieuses avec les amérindiens qui habitent la réserve adjacente à son comté. L’arrivée d’un vieil ennemi (Michael Madsen de Kill Bill vol. 2 et Reservoir Dogs) et la cupidité d’un riche propriétaire de ranch (Geoffrey Lewis), tous deux en quête d’un trésor enfouit dans les terres amérindiennes, forcera Blueberry à affronter, avec l’aide d’une belle de l’ouest vengeresse (Juliette Lewis de The Other Sister), son passé nébuleux pour protéger la culture de ses nobles voisins.
Sous les extraordinaires séquences d’hallucinations se cachent les vestiges d’une adaptation conventionnelle de la bande dessiné Blueberry. Direction photo misant sur des images saisissantes du désert, costumes et décors poussiéreux dignes des meilleurs westerns spaghetti, fusillades et chevauchées filmées avec panache, distribution de rêve avec, dans des rôles secondaires, Eddie Izzard, Ernest Borgnine, Juliette Lewis et Djimon Hounsou ainsi que dans les rôles principaux, Vincent Cassels avec sa tronche de beau gosse mal-rasé et Michael Madsen qui capitalise sur sa prestance ténébreuse, tout concorde à la conception d’une formidable production de genre.
Mais en chemin, Jan Kounen a dévié Blueberry de son cap original et l’a entraîné dans les eaux tumultueuses et impopulaires de l’expérience mystique. Comment a-t-il fait pour convaincre les producteurs de financer grassement un tel voyage? Nul ne le sait. Toujours est-il que les spectateurs aliénés manquent un joli bateau.
Les passages dans les états altérés (Ken Russel rocks!) s’avèrent fort impressionnant et agrémentent l’oeuvre d’une épice unique. Sous le guidage d’un chaman et l’effet de drogues, Blueberry combat ses démons intérieurs qui prennent la forme d’une tignasse de serpents générés par ordinateurs. Enfin, le duel décisif entre le bon et le méchant se déroule dans une sphère d’existence extra-corporelle, ce qui dénature de façon surprenante les conventions figées du western.
Ainsi, Blueberry: L’expérience secrète porte bien son nom car de ce côté-ci de l’Atlantique bien peu de gens connaissent l’expérience tentée par Ian Kounen sur des spectateurs non-avertis.