The Fountain

Un film de Darren Aronofsky, avec Hugh Jackman et Rachel Weisz, États-Unis, 2006, 96 min.


À New-York, au XXIème siècle, un scientifique cherche à trouver une cure contre le cancer afin de sauver la vie de sa femme malade. Cette dernière écrit un roman sur l’arbre de vie, ce végétal de la Génèse qui accorderait une existence éternelle à quiconque boirait de sa sève. Mille ans plus tard, le scientifique, qui a visiblement réussi son pari, voyage avec un arbre dans l’espace interstellaire aux commandes d’une bulle de savon cosmique. La demande que lui a exprimée sa femme avant de mourir le hante: finir son roman.

Peu importe comment on décrit le récit, il paraîtra toujours plus incohérent qu’il ne l’est vraiment. On retrouve trois histoires, trois époques et, sous différentes formes, trois fois le même couple. Invariablement, elle se meurt et il ne vit que pour la sauver. Y arrivera-t-il, devrait-il y arriver, pourrait-il accepter le cycle de la vie et l’embrasser? Telles sont les questions soulevées par The Fountain et débattues comme seul le cinéma peut le faire: en sons, images, montage et mouvement.

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Rares sont les films de genre qui ne prennent pas les spectateurs pour des idiots. Darren Aronofsky, le réalisateur de The Fountain, refuse de fléchir face au dénominateur commun. Il propose une fin que certains jugeront énigmatique ou pire, impénétrable. Cependant, même si la suite des évènements narrés est dure à cerner, le message de l’oeuvre transparaît de façon lumineuse. Que la fin soit difficile à expliquer ne signifie pas nécessairement qu’elle s’avère difficile à comprendre. Dans ce cas-ci, les images communiquent mieux que les mots.

Voici un exemple concret pour éclaircir cette allégation: bien que le film s’appelle The Fountain, il n’y a pas de fontaines dans le film. Le titre n’est qu’une image, un symbole. Une fontaine, ça projette de l’eau, la pompe, puis la projette à nouveau. Associez cette image au thème de la mort et vous obtiendrez, en essence, le propos du film.

La clé du film réside dans la construction de sa structure. Il en est toujours le cas avec les oeuvres de Aronofsky. Dans Pi, Le héros, un mathématicien, appliquait la démarche scientifique pour tenter d’expliquer le sens de la vie. Chaque séquences du film reproduisaient les étapes de la méthode scientifique. Elles débutaient par une observation, puis suivait l’expérimentation, de laquelle le protagoniste analysait les résultats et en guise de conclusion, le chercheur souffrait de violentes migraines. Pour briser le cycle, le savant décida d’aérer sa boîte crânienne avec une perceuse. Dans Requiem for a Dream, on suit les existences de quatre personnages différents. En passant d’un protagoniste à l’autre, Aronofsky expose les similitudes entre les expériences vécues par les quatre âmes perdues. Il souligne que se prostituer pour mettre la main sur de l’héroïne ou prendre des drogues amaigrissantes pour passer à la télévision représentent deux comportements auto-destructeur provoqués par des dépendances. Dans The Fountain, les trois intrigues reprennent les mêmes personnages et racontent sensiblement la même chose: le héros cherche à préserver la vie de son âme soeur. Toutefois, la nature de chacune des histoires entremêlées permet d’aborder la même problématique de l’amour face à la mort sous des angles différents mais complémentaires. Ainsi, la première représente l’histoire d’un roman et se veut didactique, la seconde, plus réaliste et émouvante, se déroule dans le présent et la troisième fait le pont entre les deux de façon spirituelle. Finalement, les conclusions des trois histoires se fondent les unes dans les autres pour ne faire qu’une.

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C’est bien beau être philosophico-symbolico-dramatico-sprirituel, mais pour plaire, un film doit aussi être divertissant. Sachez que si vous aimez les beaux plans, The Fountain vous en offrira tels que vous n’en avez jamais vus: un homme traversant la galaxie dans une bulle avec pour seul compagnon un arbre magnifique ou un combat entre un conquistador et un guerrier Maya (armé d’une épée enflammée) au sommet d’une pyramide éclairée par un soleil levant. À ce sujet, les saisissantes images d’une nébuleuse mourrante ont été fabriquées en laboratoire en filmant des réactions chimiques microscopiques. En d’autres termes, et ça correspond parfaitement au sens du film, il y a adéquation entre l’immensément petit et l’immensément grand.

Si la forme cinématographique vous intéresse, vous apprécierez comment le directeur photo Mathew Libatique démolit les conventions du septième art en refusant la règle de 180 degrés. Il filme sans complexe les acteurs de face ou de profil tout en limitant les axes de ses mouvements de caméras à des lignes droites. Le monteur Jay Rabonowitz effectue aussi un travail phénoménal pour tresser ensemble les trois fils de l’intrigue. Le film ne dure à peine que 96 minutes et ne souffre d’aucune longueur. Quant à la musique de l’excellent Clint Mansell, elle respire comme le film. Elle cesse rarement mais on ne remarque pas souvent sa présence.

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The Fountain, c’est aussi un drame poignant. Aronofsky décrit, avec humour et lucidité, son film comme un chick flick de science-fiction. Hugh Jackman y offre la performance la plus impressionnante de sa carrière tandis que Rachel Weisz aura rarement été aussi bien filmée. Ajoutez à cela une direction artistique qui fait honneur aux artisans québécois qui ont oeuvré sur cet opus et vous obtiendrez l’un des meilleurs films américains de l’année. À voir plus qu’une fois.

5 commentaires

  1. Gabriel dit :

    The Fountain
    hier j’ai pris une bière avec un prof d’université qui m’a confié avoir détesté le film et que des spectateurs ont quitté au milieu du film pendant la projection à laquelle il a assisté.

    Mais ta critique est très bonne.

    Qui croire?

    1. David Lamarre dit :

      The Fountain
      Facile, crois-moi.

      The Fountain, c’est un film culte en devenir. Le même prof va te dire dans dix ans qu’il l’a vu au cinéma et a adoré ça. Si c’est quétaine dans ses thèmes (la vie, la mort, la mour, la spritualité), c’est définitivement frais et surprenant dans son traitement.

      Bordel, du début à la fin, il nique la règle de 180 degrés. Faut le voir pour le croire.

      1. wilson dit :

        The Fountain
        « the fountain » fait référence à la fontaine de jouvence, et non pas à une pompe crétin

        1. David Lamarre dit :

          The Fountain
          Je ne sais pas si sur ton île avec Tom Hanks tu as eu la chance de voir le film, mais The Fountain tourne autour de l’arbre de vie et non la fontaine de jouvence.

          L’arbre de vie procure la vie éternelle, la fontaine de jouvence permet de rajeunir.

          C’est une erreur facile à commettre alors je ne me permettrai pas de te traiter de crétin à ton tour…

          1. Sam dit :

            The Fountain
            Beaucoup de gens abordent ce film comme un truc de Fantasy ou de Science-Fiction. C’est l’erreur à faire. Je crois que les trois volets de l’histoires ne servent qu’à exposer une allégorie sur le deuil. Ceci étant dit, le film est bon en criss !!!

Les commentaires sont clos.