Un film de Christophe Honoré, avec Louis Garrel, Clothilde Hesme et Ludivine Sagnier, France, 2007, 100 min.
Branco, Honoré, Beaupin. Ces trois noms précèdent le titre : Les Chansons d’amour. Paulo Branco, producteur de plus d’une centaine de films, a su fournir les moyens à Christophe Honoré de faire une comédie musicale avec les compositions de Alex Beaupin. Les citations littéraires, jeux formels, décors parisiens et valeurs libertines chères aux créateurs de Dans Paris sont resservis dans des proportions différentes. La recette est à la fois trop salée et trop sucrée.
Ismael (Vincent Garrel) partage son lit avec deux femmes : sa fiancée Julie (Ludivine Sagnier) et leur maîtresse Alice (Clotilde Hesme). Ce ménage à trois bat de l’aile jusqu’au départ de Julie. Ismael cherche à faire son deuil seul, s’aliénant Alice et la famille de son ex. Toutefois, Erwann (Grégoire Leprince-Ringuet), un jeune homosexuel breton, entend bien mettre fin à la solitude du veuf et lui réchauffer le cœur.
D’emblée, une question s’impose : pourquoi faire de ce film une comédie musicale? D’habitude, les productions de ce genre développent des histoires fantaisistes qui justifient le surréalisme d’intermèdes musicaux. Honoré fait fi des coutumes et force les personnages de son drame ordinaire à exprimer leurs émotions à travers des chansons plus souvent chuchotées que chantées. Si vous supportez les balades FM, vous craquerez pour les airs mélodieux des Chansons d’amour.
Les jeux formels du réalisateur ne s’arrêtent pas là. Prenez la scène où Julie subit les soins des infirmiers. Les arrêts sur image qui ponctuent cette séquence lui donne des airs tragiques de fait divers. Tout au long du film, il jongle avec le ton, entremêlant un drame pesant sur le deuil et la dépression à une légère comédie romantique à l’eau de rose. Le mélange, comme du steak au chocolat, n’est pas tout-à-fait délicieux.
Honoré ne s’amuse pas qu’avec le langage cinématographique, il joue aussi avec le langage de ses protagonistes. Les répliques qu’il écrit pour ses acteurs ne manquent ni de verve, ni d’intelligence. Ces derniers ne le laissent pas tomber. Louis Garrel (Les amants réguliers, Dans Paris) offre une fois de plus une interprétation charmante, joviale et énergique. Néanmoins, votre attachement au personnage de Ismael dépendra à la fois de votre fibre romantique et de vos valeurs. Ses multiples aventures sexuelles peuvent être considérées comme de la débauche ou de l’amour libre. Clothilde Hesme (Les amants réguliers) apporte au moins autant de folie à son personnage que son collègue masculin tandis que dans des rôles faciles à rater, soit l’éphèbe et l’ingénue, Grégoire Leprince-Ringuet (Voleurs de chevaux) et Ludivine Sagnier (La piscine) se montrent à la hauteur.
Enfin, lorsque interrogée par sa mère, Julie décrit ainsi l’expérience de faire l’amour à trois : « c’est marrant, c’est bizarre, c’est différent ». Il suffit d’ajouter hétérogène à ces trois qualificatifs pour décrire le plus récent film de Christophe Honoré.