Un film de Takeshi Miike, le reste n’a pas d’importance…
Les films orientaux ont souvent été ré-apprêtés à la sauce occidentale sous la forme de westerns. Yojimbo devint A Fistfull of Dolars. Seven Samurai devint The Magnificent Seven. Avec Sukiyaki Western Django, Miike imagine un point de rencontre entre ces fronts de l’est et de l’ouest. Il en résulte une tempête, que dis-je, un ouragan, de violence et d’humour comme seule l’imagination de Miike peut générer.

Deux clans s’établissent dans un village perdu dans le temps et l’espace afin de se faire la guerre. Pris dans le feu croisé, les villageois désespèrent jusqu’à ce qu’apparaisse un mystérieux et doué étranger. Son talent suffirait à faire pencher la balance du pouvoir d’un côté ou de l’autre. Or, ses intentions demeurent nébuleuses. Quel camp choisira-t-il, les Heike (rouges), les Geiji (blancs) ou les villageois (roses)?
Cette mince histoire inspirée du western spaghetti Django, lui-même calqué sur A Fistfull of Dollars, de son côté inspiré de Yojimbo, à son tour héritier de la guerre des roses telle que évoquée dans Henri VI de Shakespeare, sert de prétexte à enchaîner des scènes d’action spectaculaires, des plans lyriques à couper le souffle (une rose qui donne naissance à un poupon!) et des séquences loufoques hilarantes. Énumérer les moments forts de cette production requerrait un cahier de notes de l’épaisseur d’un dictionnaire.
Visualisez cette première scène : dans un faux décor rustique, repose un cadavre criblé de balles. À ses côtés, un serpent avale l’œuf d’une poule. À peine l’a-t-il englouti qu’un oiseau de proie l’agrippe dans ses serres et s’envole. Un battement d’aile plus tard, le volatile explose en un nuage de plume, abattu par un habile cowboy campé par nul autre que Quentin Tarantino. Le pistolero attrape le serpent dans sa chute, l’éventre et récupère l’œuf. Avant qu’il n’aie eu la chance de le casser, une bande de bandits l’encercle. Imperturbable, le pistolero lance l’œuf dans les airs, fait volte-face, abat ses ennemis et rattrape l’œuf nonchalamment. Le ton est donné. Miike ne se contraint pas à la sobriété de Sun Scarred. Il laisse galoper sa créativité comme dans Ichi the Killer.
La direction artistique de Sukiyaki Western Django, signée Nao Sasaki, s’impose comme l’une des plus formidables qui soit. Le mélange oriental-occidental conceptualisé par Miike apparaît dans les costumes, décors et accessoires. Chapeaux de cowboys et casques de samuraï, pistolets et katanas se côtoient dans un look hybride savoureux. Un délice de cuisine fusion.

Les excès visuels de Miike procureront certainement des hauts le cœur aux cinéphiles friands de style épuré. Aussi, ceux qui recherchent dans les arts narratifs une étude de la condition humaine ne trouveront pas grand chose à se mettre sous la dent. La morale de l’histoire se résume ainsi : « Shit happens. Don’t run, deal with it ».
Quant au jeu des acteurs, il s’avère uniformément drôlement mauvais. Le film a été tourné en anglais, au grand dam de la distribution asiatique qui ne parle pas la langue de Shakespeare. Les répliques récitées de manière phonétique amusent autant que les allocutions prononcées par Pauline Marois en anglais. Heureusement, il y a des sous-titres.
L’anglais des protagonistes est peut-être cassé, mais le long métrage ne l’est certainement pas. Avec Sukiyaki Western Django, Miike vous sert deux heures de divertissement excentriques, agréables pour les yeux et durs pour la rate. Fantasia s’élance sur les chapeaux de roues.