Un lac

Un film de Philippe Grandrieux, avec des acteurs russes qui s’expriment difficilement en français, France, 2008, 90 minutes qui en paraissent le double.


Que dire de cette expérience stylistique et narrative, sinon qu’elle s’analyse plus facilement qu’elle ne s’apprécie?

Au coeur d’une forêt nordique, sur la rive d’un lac glacé, se trouve une cabane sans fenêtres. Ses habitants, un couple, leurs trois enfants et un cheval voient leur monde chamboulé par l’arrivée d’un visiteur venu couper des arbres.

Alexi (Dimitry Kubasov)
Alexi (Dimitry Kubasov)

Soulignons d’abord l’étonnante facilité du travail de sous-titrage de Un lac. En tout et pour tout, ce paragraphe contiendra plus de mots que l’ensemble du long métrage. Les quelques dialogues que s’échangent les personnages, genre «  C’est moi Jurgen, je viens pour le bois  », n’ont rien de très littéraire ou mémorable. Une réplique vient toutefois révéler précisément la nature des protagonistes: «  Pareil est l’homme, pareil est la bête  ». Les êtres (que l’on hésite à qualifier d’humains) vivent sans sophistication dans un état qui rappelle celui des héros de Quest for Fire. Ils cherchent à combler des besoins primitifs, soit ceux d’appartenir à un clan ou de se trouver un géniteur. En cherchant la pureté, Grandrieux a excessivement simplifié son récit.

Climat austère pour un film austère
Climat austère pour un film austère

Pour que son histoire corresponde à la durée d’un long métrage, il a dû la raconter en multipliant les plans contemplatifs. Bien que cette démarche étouffe le développement de la mince intrigue, elle laisse beaucoup de place à la direction et à la prise de son. Derrière la caméra, Grandrieux s’en donne à coeur joie. Il privilégie des cadrages tremblotants qui risquent de causer bien des maux de coeur aux spectateurs sensibles. Il oppose aussi de façon drastique les plans tournés à l’intérieur du cabanon à ceux tournés à l’extérieur. À l’intérieur, la noirceur est de mise. L’éclairage est si faible qu’il est impossible de discerner les contours des pièces qu’occupent les personnages. Il en résulte un sentiment d’oppression amplifié par les bruits de pas, de respiration et de mastication qui résonnent comme dans une chambre d’écho. À l’extérieur, le vent souffle donnant une impression de liberté rehaussée par de somptueux plans du ciel.

La complexité de la forme trahit la simplicité du contenu. Un lac devient ainsi une oeuvre où le style prime sur la substance au même titre que n’importe quelle production de Michael Bay. Au moins, la recherche formelle menée par Grandrieux a le mérite de défier les sens plutôt que de les exciter. Un film d’auteur partiellement réussi à conseiller aux amateurs d’objets filmiques non identifiables.