Valse avec Bachir

Vals Im Bashir, un OFNI de Ari Folman. 2008, 90 minutes.


Qui est Bachir? Allié des Israéliens dans leur lutte contre les Palestiniens, Bachir Gemayel fut porté à la présidence du Liban suite à une intervention militaire juive. Le 14 septembre 1982, trois semaines après sa prise du pouvoir, il est assassiné. Sa mort encouragea les Phalangistes, ses supporters, à envahir deux camps de réfugiés palestiniens et à y massacrer les résidants. Les soldats Israéliens postés à Beirut n’intervinrent pas pour mettre fin au bain de sang.

Les délices de l'imagination
Les délices de l’imagination

Vingt ans plus tard, suite à une conversation avec un ami dans un bar, le cinéaste Ari Folman réalise qu’il ne conserve aucun souvenir de cette époque tragique. Pourtant, il était stationné à quelques centaines de mètres seulement des camps dévastés de Sabra et Chatila. Pour retrouver la mémoire, Folman rencontre psychologues et frères d’armes. Il en résulte un objet filmique non identifiable aussi émouvant qu’impressionnant.

La démarche choisie par Folman pour tourner Valse avec Bachir est unique en son genre. Dans le but de se guérir de son amnésie, le réalisateur rencontra divers intervenants et enregistra leurs propos. Ces conversations forment en grande partie la trame sonore de l’oeuvre. À cet égard, le long métrage peut être considéré comme étant un documentaire. Or, les situations décrites par Folman et ses interlocuteurs se voient transposées à l’écran en dessin animé. Il s’agit, à ma connaissance, du premier film pouvant remporter à la fois les statuettes remises au meilleur film en langue étrangère, au meilleur long métrage d’animation et au meilleur long métrage documentaire à la prochaine cérémonie des Academy Awards.

Des traits d'une qualité exceptionnelle
Des traits d’une qualité exceptionnelle

Or, l’approche de Folman n’est pas qu’originale, elle est aussi pertinente. L’emploi d’un procédé d’animation pour illustrer les horreurs énoncées tout au long du film permet une certaine distanciation du sujet. Ce recul entre la réalité et sa description correspond au travail imparfait de la mémoire. Cette dernière tend justement à colorer nos souvenirs. Mieux encore, la beauté et la vivacité des images de synthèses impressionnent. La qualité des dessins définissant les lieux et les personnages est remarquable. Si les personnages bougent de manière un peu mécanique, la caméra, elle, se déplace avec fluidité.

Comme le médium, le message est important. D’un point de vue humain, la quête de vérité que mène Folman ne laissera personne indifférent. Non seulement cherche-t-il à se souvenir de ce qui s’est passé, il cherche aussi à comprendre pourquoi il a oublié. D’un point de vue scientifique, les entretiens avec des psychologues sur les causes de refoulement de souvenirs traumatiques s’avèrent particulièrement intéressantes. D’un point de vue social, les différents témoignages recueillis dénoncent unanimement l’immobilisme des forces armées israéliennes lors de ce carnage. Ils tracent aussi un inquiétant parallèle entre les camps de réfugiés palestiniens et les camps de concentration nazis.

Valse avec Bachir est, en un seul mot, mémorable. Alors que, de plus en plus, tous les films se ressemblent et tous les cinéastes s’imitent, Ari Folman se démarque et offre une oeuvre d’une émouvante sensibilité et d’un flair visuel exceptionnel.