Un film de Cirio H. Santiago, avec James Iglehart, Carmen Argenziano et Leon Isaac Kennedy. 1978, 96 min.
Il y a du bon dans tout ce qui est mauvais et du mauvais dans tout ce qui bon. Fighting Mad prouve cet adage. Il s’agit d’un excellent film qui s’inscrit dans un genre plus souvent dénigré qu’apprécié: les films de blaxploitation.
Trois soldats américains, Doug, McGee et Morelli profitent de la fin de leur service au Vietnam pour voler une petite fortune en or. Sur le bateau qui les ramène au pays de l’Oncle Sam, McGee et Morelli décident de faire passer leur part du butin de 33% à 50%. Se faisant, ils tranchent la gorge de Doug et le font passer par dessus bord. Malheureusement pour eux, non seulement leur victime survit à la lame mais elle se voit déposée par les flots sur une île presque déserte. Les deux seuls résidents de ce bout de terre perdu dans l’océan Pacifique sont des soldats japonais coupés du monde depuis la Deuxième Guerre mondiale. Ils le recueillent et lui enseignent la voie du samouraï. Lorsque des troupes américaines accostent l’île et viennent en aide au naufragé, il se lance sur la route de la vengeance, katana au poing.
À première vue, l’introduction dresse la table pour un banal film de vengeance à la morale douteuse. Ça semble promettre la loi du Tallion administrée à grands coups d’épée. Toutefois, entre les portraits du protagoniste et des antagonistes se dessinent un commentaire social fort intéressant. Dès la trahison qui met en branle le récit et ce jusqu’à sa sanglante conclusion, l’action se joue sur deux tableaux. D’un côté, on suit les deux conspirateurs alors qu’ils gagnent en importance dans le le monde interlope californien. De l’autre, on retrouve Doug qui apprend la voie du samouraï. Bien que tous les personnages s’efforcent de gagner en puissance, ils s’y prennent de deux façons complètement différentes. La première approche vise une force institutionnelle alors que la deuxième vise une force personnelle.
Grâce à la somme dérobée en Asie, les deux bandits se lancent en affaires dans le monde des groupes criminalisés. Employant à merveille des techniques d’intimidation vieilles comme le monde, ils se hissent au sommet de la pyramide mafieuse de la côte ouest. Leurs actions leur ont permis de gagner beaucoup de ressources. Ils sont désormais riches, influant et peuvent compter sur une armée de voyous. Par contre, cette force est relative, voire relationnelle. Elle ne vient pas d’eux, mais de leur place dans une organisation.
Grâce à l’aide des naufragés japonais, Doug acquiert de nouvelles compétences. Il apprend le maniement du katana, la maîtrise de soi et les arts martiaux. La force qu’il retire de la pratique de ces disciplines lui est propre. Elle vient de lui-même.
Lorsqu’au final les rivaux se confrontent, il s’agit d’un affrontement du type Scarface contre le Karate Kid. Devinez qui aura le meilleur?
Fighting Mad se prête bien à de nombreux niveaux d’analyse. Par exemple, la femme attendant le retour de son mari d’une guerre lointaine rappelle Pénélope dans l’Odyssée d’Ulysses. Aussi, le film contourne plusieurs faiblesses du genre duquel il émane en étant ouvert sur le monde (influence asiatique) plutôt que concentré sur la culture noire. D’ailleurs, dans le même ordre d’idées, Fighting Mad est l’un des rares longs métrages de blaxploitation à ne pas faire d’un « honkie » le principal antagoniste.
Bref, j’ai déjà rédigé plus de 500 mots sans aborder les brutales scènes de combat, les répliques cultes, la trame sonore funk ou les costumes jovialement ringards de cette excellente production. Il s’agit là d’une preuve indéniable de la qualité de Fighting Mad. Le film fait partie du coffret de 50 films d’arts martiaux de Mill Creek. Du lot, c’est certainement l’un de mes préférés.