Animal

Animal, un film de Roselyne Bosch avec Andreas Wilson et Diego Infante, quelques pays d’Europe, 2005.


On peut toujours diviser le monde entre deux pôles. Dans le cas de Animal, un film de Roselyne Bosch, tout est organisé en fonction des notions de bien et de mal. Cette actualisation de la célèbre nouvelle de Robert Louis Stevenson présente un protagoniste, le docteur Thomas Nielson, qui est convaincu, comme le docteur Jekyll, que l’homme possède en lui un côté mauvais. En termes modernes, il explique que la méchanceté est innée et croit pouvoir l’éliminer grâce à la génétique. Pour prouver sa thèse, il injecte à deux cobayes humains des solutés différents. À un dangereux tueur en série emprisonné il injecte une solution qui lui fournira la conscience qui lui manquait. À lui-même, il administre un sérum ayant l’effet contraire: il deviendra moins timide, plus ambitieux, plus agressif et définitivement plus dangereux.

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On peut aussi décrire les films selon des pôles comme la forme par rapport au contenu ou le réel contre l’artificiel. Mais la division qui semble la plus pertinente ici oppose l’affect à l’intellect. Animal est un film d’idées aux concepts captivants. Roselyne Bosch soulève et exploite des problématiques philosophiques telles: «  comment peut-on être responsable d’un crime si nos actions sont dictées par la nature de notre cerveau? ou «  est-il plus utile (voire agréable) d’être bon ou méchant?  ». L’intrigue s’avère également efficace au niveau des symboles. Prenons cette scène où deux personnages se rencontrent lors d’une fête foraine qui a des airs de carnaval. Le carnaval, c’est l’occasion de renverser les valeurs, le moment ou il est bon de pécher. Hors, lors de cet affrontement, les deux personnages sont sous l’effet de drogues inversant leur comportement normal.

Toutefois, au niveau de l’affect, le film échoue à émouvoir le spectateur. On n’angoisse pas, ni rit, ni pleure, on ne fait que penser. Le héros nous est aucunement attachant. Ceci est en partie dû à son personnage puisque même avant qu’il ne prenne un poison le rendant antipathique, il apparaît comme un scientifique froid et égocentrique plus préoccupé par son travail que par ses proches. Le blâme repose aussi sur l’acteur Andreas Wilson qui se donne des airs de top-modèle à chaque fois que la caméra se fixe sur lui. En d’autres termes, son jeu physique se limite principalement à prendre des poses et lancer des regards psychotiques ou inoffensifs. Ce n’est que lorsqu’il fait l’amour que son côté animal semble crédible et même à cet instant, il rappelle le semblable et bien meilleur History of Violence. D’ailleurs, sa partenaire, Emma Griffith Malin, remplit son rôle ingrat du mieux qu’elle le peut. Elle interprète, à toutes fins pratiques, la femelle du héros. Dans le rôle du «  chasseur  » (parce que tous les tueurs en série ont besoin d’un surnom) Diego Infante s’investit davantage que Andreas Wilson. Peut-être un peu trop même. Lorsque gentil, il pleure tout le temps et lorsque méchant, il cherche toujours à raconter des trucs angoissants en envahissant l’espace vital de ses interlocuteurs.

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Aussi, en essayant d’être davantage un drame qu’un thriller, la réalisatrice mine l’effet qu’elle aurait pu avoir sur son spectateur. Malgré les thèmes abordés et les personnages mis en scènes, seulement deux d’entre eux perdent la vie et dans un cas comme dans l’autre, il s’agit davantage d’accident que de meurtre. Par exemple, suite à un bref combat à mains nues, un rival du scientifique s’enferme maladroitement dans une cage avec un chien enragé qui, on le suppose parce que ce n’est pas montré, le mord jusqu’à ce que mort s’en suive. De plus, malgré toutes les caméras et les mesures de sécurité qu’on retrouve dans les prisons du futur, il semble étonnamment facile de s’en échapper. Il suffit de se déguiser sommairement et de saluer les gardes en sortant.

En bout de ligne, même si Animal s’avère meilleur en théorie qu’en pratique, contrairement à The Animal avec Roy Schneider, il n’est pas dépourvu d’intérêt. Si vous recherchez une expérience cinématographique cérébrale et qu’aucun documentaire n’attire votre attention, pourquoi ne pas donner à ce film une chance? Les questions qu’il soulève soulèvent ce film au-dessus de la moyenne.