Gwoemul

Un film de Joon-Ho Bong, avec Kang-Ho Song, Du-Na Bae, Hae-Il Park, Corée du Sud (évidemment), 2006, 119 min.


Des films de monstres géants apparaissent périodiquement sur nos écrans depuis la sortie en 1931 de King Kong. Dans les années 50, la peur du nucléaire a dynamisé le genre. Pendant que les américains proposaient The Beast from 20 000 Fathoms, Them et The Giant Gila Monster (un de mes préférés), les asiatiques tournaient Godzilla et Gamera. Les coréens, refusant de rester seuls sans être dévastés par d’immenses et terribles créatures imaginèrent Yongary. The Host s’avère le digne héritier de ce film de Kim Ki-duk (rien à voir avec le réalisateur de 3 Iron)

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Gwoemul (The Host) partage plusieurs similarités avec ses ancêtres. Premièrement, suite à la pollution de la rivière Han (l’équivalent du Fleuve St-Laurent ici) par des autorités militaires américaines, une créature mutante naît. Même si l’énergie atomique n’est pas en faute, les occidentaux sont tout de même responsables de la crise. Deuxièmement, les protagonistes, comme dans les trois quart des films de Gamera ou Godzilla, forment une famille. Troisièmement, la bête n’est pas méchante en soi, elle est simplement incomprise.

Ce qui différencie ce film des autres du même genre, c’est que ses héros ne sont pas des savants intrépides qui découvrent le point faible de la bête et inventent une arme spéciale pour l’éliminer. Au contraire, ce sont de pauvres commerçants, des gens comme tout le monde, qui bossent le long de la rivière. Il y a le père, le propriétaire d’une cantine miteuse, ses trois enfants, un intellectuel au chômage, une athlète amateur spécialiste du tir à l’arc et un idiot qui opère la cantine ainsi que sa petite fille, une courageuse écolière. Par une journée ensoleillée, la créature surgit des eaux, créé une commotion sur les abords de la rivière Han et emporte la cadette de la famille. Pour sauver l’enfant, le reste des Park ne pourront définitivement pas compter sur les forces gouvernementales qui semblent avoir quelque chose à cacher. Ils devront retracer le monstre eux-même et l’abattre avec les moyens du bord (carabine de chasse, arc, cocktail molotov, panneau de circulation).

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Le ton du film s’avère assez particulier. Le réalisateur bondit allégrement d’un côté à l’autre de la frontière entre tragédie et comédie. La scène où les Park se réunissent devant la sépulture de la fillette l’illustre bien. Chacun des membres de la famille éclate en sanglots devant l’image de la disparue puis se chamaillent maladroitement entre eux, tombant éventuellement au sol en se tortillant de peine. C’est à la fois attristant et hilarant. Quand des séquences d’action s’avèrent nécessaires, le réalisateur se montre de nouveau à la hauteur du défi.

Mais ce qui importe dans un film de ce type, c’est l’intérêt suscité par le monstre. Rassurez-vous, la créature de The Host est fascinante. Cette barbotte géante et mutante nage comme un poisson dans l’eau, court sur quatre pattes sur terre mais préfère de loin s’agripper par la queue et se lancer d’un support de pont à l’autre comme un trapéziste. Elle chasse en attrapant par la queue et gobant dans sa bouche visqueuse les malheureux qui croisent son chemin. Les effets spéciaux rendent bien les étranges et innovateurs mouvements de la bête. Cette dernière est d’ailleurs loin d’être de la taille de Godzilla. Elle est à peu près de la grosseur d’un dragon de Eragon.

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Avec son film d’abord centré sur une famille dysfonctionelle amusante, ensuite tourné vers une créature à la fois inquiétante, effrayante et fascinante, Joon-ho Bong réussit là où des dizaines de mauvais films de Godzilla et une paire de remakes un peu ratés de King Kong ont échoué, c’est-à-dire plaire à un public plus large que les fans du genre. En d’autres termes, The Host sera le film de monstre géant préféré de votre mère.