Un film de Abderrahmane Sissako avec Aïssa Maïga, Tiécoura Traoré, 2006, Mali, 115 min.
À travers une intrigue aux accents de surréalisme, Abderrahmane Sissako commente lucidement les problèmes sociaux, politiques et économiques de l’Afrique en soulignant le rôle néfaste joué par des institutions telles le Fond Monétaire Internationale et la Banque Mondiale dans la gestion du continent.
Ainsi, dans la cour intérieur d’une maison du Mali qui abrite plusieurs familles, se tient un extraordinaire procès opposant les Africains au FMI et à la Banque Mondiale. Fonctionnant comme un véritable tribunal avec des juges, avocats, toges, témoins, greffiers et caméras, l’assemblée argumente et contre-argumente la responsabilité du nord dans les malheurs du sud.
Autour de cet extraordinaire procès tenu dans le plus commun des lieux, la vie continue normalement. Une chanteuse quitte son mari dépressif. Un mariage est célébré. Un malade meurt faute de soins médicaux. Ces intermèdes permettent d’alléger la lourdeur de la forme du procès tout en exposant le plus simplement possible comment malgré la famine, la pauvreté la corruption et l’exploitation, la vie continue dans le berceau de l’humanité.
À mille lieux des films de Nollywood (Hollywood nigérien) qui constitue le gros de la production cinématographique africaine, cette oeuvre accomplie arrive à jumeler une forme des plus originales à un propos des plus important. Avec son message social et sa narration innovatrice, Bamako rappelle un chef d’oeuvre de chez-nous: Les Ordres de Michel Breault. La musique est savamment utilisée, notamment le rappel, vers la fin du film, d’une mélodie thématique tirée d’un faux western spaghetti mis-en-abîme (mettant en vedette nul autre que Danny Glover!).
Abderrahmane Sissako mentionne que tourner un long métrage africain est une rare opportunité, qu’il faut s’en servir pour passer un message important. Heureusement, il exploite cette chance pour offrir un film d’une rare intelligence. Du grand art.